Château fort
Les châteaux, sentinelles de pierre défiant le temps et les hommes
L’Alsace est une des régions d’Europe qui compte le plus de châteaux forts médiévaux ! Aujourd’hui en ruine dans leur grande majorité, leurs silhouettes font partie du paysage.
Alors qu’au Moyen Age, les châteaux forts de plaine représentaient près des deux tiers des cinq cents châteaux recensés en Alsace, les châteaux de montagne forment aujourd’hui la quasi-totalité des édifices qui présentent des traces significatives et visibles pour le promeneur.
Ouvrage fortifié, le château est un lieu de défense, de pouvoir, un lieu de résidence et parfois un centre administratif. Les châteaux forts se développent en Alsace à la faveur de l’affaiblissement du Saint-Empire Romain Germanique. Ils matérialisent la protection d’un territoire et de ses habitants et concrétisent l’autorité du seigneur. Lieux importants de l’histoire médiévale de la région, ils dominent la plaine, surveillent les vallées, les voies de communication et parfois les abbayes. Construits en pierre dès le XIIe, voire le XIe s. pour certains, mais abandonnés progressivement en raison des guerres et combats locaux, de leur coût d’entretien et de leur inconfort, ils sont encore nombreux à défier le temps sur le versant alsacien des Vosges.
Le château, un bâtiment militaire
Le château fort est constitué d’éléments défensifs tels que le pont-levis, la herse, les mâchicoulis ou les tours. Mais si tous les édifices possèdent des points communs, les contraintes du terrain, leur importance et leur histoire font de chaque château un élément unique à découvrir. Un ou plusieurs fossés sont généralement creusés afin de détacher l’édifice du relief. Le portail d’entrée est toujours bien protégé.
Le mur d’enceinte est essentiel ; il est parfois renforcé de fausses-braies, de tours de flanquement et de bastions. La défense est également assurée par le chemin de ronde, dans certains cas muni de hourds. Le donjon est le symbole du pouvoir seigneurial ; il peut être circulaire (Fleckenstein, Kaysersberg, Engelbourg et Pflixbourg…), carré (Haut-Barr, Guirbaden, Saint Ulrich, Bilstein près d’Aubure ainsi que le Wineck…) ou pentagonal (Bernstein, Ochsenstein, Wasigenstein, Girsberg…). On y pénètre toujours par l’étage. Ce n’est pas seulement un refuge, car il peut servir de guet et de prison.
Les habitants du château peuvent vivre en autarcie. Dans la basse-cour sont installés des bâtiments à usage domestique, comparables à ceux d’une ferme (écuries, étables, porcheries, granges) ainsi que des ateliers artisanaux (travail du bois, du métal, du cuir, de l’os, etc.) afin de subvenir aux besoins des châtelains. L’analyse de l’activité économique des châteaux est plus complexe car les équipements correspondants construits en bois la plupart du temps, n’ont pas laissé de traces.
Le château habité
Tous les châteaux sont pourvus d’une grande salle d’apparat qui est le centre du château. Ici se déroule la vie quotidienne du seigneur (lecture, couture, jeux de société). Richement décorée (peintures murales, plafonds peints, sculptures, boiseries, dallages) et confortable, elle est munie de fenêtres à banquettes, de cheminées monumentales et de poêles. Un riche mobilier (table, banc, chaise, coffre, bahut et vaisselier) ainsi que des tentures et tapis complètent le décor.
Les chambres à coucher sont équipées de lits, de coffres et de niches servant de placards. Les fenêtres sont munies de vitres (dès la fin du XIIIe s.) et de volets. L’éclairage est assuré par des lampes à huile.
Le château est également équipé de commodités : latrines et bains garantissent une hygiène correcte. Les cuisines, avec évier, cheminée et parfois four à pain, contiennent en outre tous les ustensiles nécessaires à l’élaboration des repas.
Dans le château, l’eau est indispensable : elle provient de sources, de puits (fréquents en plaine) et de citernes à filtration pour ceux situés en montagne (Wasigenstein, Ochsenstein, Haut-Ribeaupierre…) et de citernes-réservoirs qui garantissent une eau de bonne qualité.
Enfin, de nombreux châteaux possédaient une chapelle (Haut-Barr, Guirbaden, Vieux-Windstein, Saint Ulrich et le Wahlenbourg…) assurant un lieu saint à l’intérieur des murs.
Le château fort à travers les âges
Avant le X siècle, on ne parle pas encore de châteaux, mais de cours seigneuriales. Bâties en bois, elles sont érigées au centre du village ou en périphérie.
Xe et XIe s.
La haute noblesse s’approprie des terres par la construction d’un château, autrefois privilège exclusif du roi. Les sites castraux attestés au Xe et XIe s. sont rares (Hohenbourg, Mont Sainte-Odile, Erstein, Ottrott, Saint Ulrich et le Haut-Eguisheim). Bâtis en bois, terre et pierre sèche en plaine , ces premiers châteaux n’ont laissé que peu de traces à l’opposé de ceux de montagne construit tout de suite en pierre au moins en partie, ce qui n’interdit pas qu’il y a aussi des bâtiments, à utilité essentiellement économiques, en bois.
Au XIIe s.
Une trentaine de nouveaux châteaux voient le jour à cette période (La Petite Pierre, Guirbaden, Frankenbourg, Scharrach, Epfig, Fleckenstein, Ferrette, Hohnack et le Morimont). Deux types de construction défensive existent alors : la tour d’habitation (Wohnturm), où se fondent les fonctions d’habitat et de défense (Haut-Barr, La Roche, Rathsamhausen, Ferrette), et le donjon.
Au XIIIe s.
Apparition du château enchemisé, caractérisé par un mur d’enceinte haut et épais (appelé chemise) qui enserre les logis (Ortenbour). Le mur-bouclier, déjà connu au XIIe s. (Greifenstein, Warthenberg, Hunebourg), est bien présent au XIIIe s. (Spesbourg, Nouveau Windstein, Wasenbourg, Oedenbourg). La cour disparaît ou se rétrécit, nécessitant la création d’une basse-cour. A cette époque, le donjon se généralise. De plan carré, il peut aussi être pentagonal (Bernstein, Girsberg…) ou de forme circulaire (Lutzelbourg). La défense active apparaît avec la création de hourds et de tours de flanquement (Landsberg, Guirbaden, Kaysersberg, Pflixbourg et Engelbourg). Les meurtrières à niches apparaissent également et se multiplient dans les constructions. L’architecture castrale cherche à allier différentes exigences : les progrès défensifs et la recherche du confort. Le château devient le symbole de la chevalerie.
Du XIVe au XVIe s.
Peu de châteaux peuvent être attribués à cette période (Barr, Bouxwiller, Petit-Arnsberg, Bas-Andlau, Benfeld, Wildenstein). La noblesse, affaiblie par la crise économique et le besoin naissant de confort, quitte peu à peu les sites de montagne pour gagner les villes.
En 1354, le roi Charles IV crée la Décapole : alliance de dix villes impériales d’Alsace (Haguenau, Wissembourg, Obernai, Rosheim, Sélestat, Colmar, Turckheim, Kaysersberg, Munster, Mulhouse) pour la défense de leur autonomie et la protection militaire.
Au XIVe s.
Phase de remaniement des châteaux forts avec, notamment, le souci de faire face au développement de l’artillerie (XVe s.). Beaucoup d’entre eux sont transformés en véritables forteresses (Lichtenberg, La Petite Pierre, Landskron, Hohnack et le Hohlandsbourg).
Entre le XIVe et le XVIe s.
Les châteaux sont, pour la plupart, abandonnés spontanément ou suite à une destruction violente ou accidentelle.
Jusqu’au XVIIIe s
Peu de châteaux seront encore habités (Haut-Barr ou Haut-Andlau jusqu’en 1806). Enfin, le Haut-Koenigsbourg est l’un des seuls châteaux à avoir été reconstruit au début du XX ème siècle. Il est inauguré en 1908, l’Empereur Guillaume II voulant en faire un symbole de la puissance de l’Empire allemand dans une région annexée en 1871.
Pour une chronologie de l’apparition des châteaux présentés sur ce site, télécharger le document