Château du Warthenberg-Daubenschlagfelsen

Un château fort arraché à l’oubli

Au-dessus d’Ernolsheim-lès-Saverne, les archéologues ont mis au jour, depuis bientôt quarante ans, les vestiges d’un château fort inconnu qui avait été érigé sur un rocher appelé Daubenschlagfelsen par les habitants de la région. En effet, ceux-ci perpétuaient ici une tradition remontant à l’époque celtique : le «Dùweschlawe», c’est-à-dire le lancer dans la nuit de disques incandescents, tradition appelée ailleurs «Schieweschlawe».

Les ruines sur le Daubenschlagfelsen étaient déjà connues au XIXe siècle, puisqu’elles sont brièvement mentionnées par plusieurs auteurs (sources : « Le château fort de Warthenberg », par le Centre de recherches archéologiques médiévales de Saverne, 1991). Cependant, ni les historiens, ni les archéologues ne se sont alors intéressés à ces vestiges. Ce n’est qu’en 1979 qu’une équipe du CRAMS a engagé un programme de fouilles et de recherches qui a abouti à la mise au jour des vestiges de l’un des plus puissants châteaux forts construits en Alsace à l’époque romane : fossé, mur bouclier, logis, palas, chapelle, citernes à filtration…

Mais quel était ce château inconnu ? Qui l’avait construit? Quand? Pourquoi ?

Parmi les châteaux dont l’existence est connue par les textes d’archive, mais qui n’ont pu être localisés avec certitude, figure Warthenberg mentionné en 1158 dans un acte de l’abbaye de Neuwiller. L’analyse de cette charte et des indications topographiques qu’elle contient a permis aux historiens d’identifier le château qui s’élevait sur le Daubenschlagfelsen comme étant le Warthenberg, ce que conforte l’analyse architecturale et l’étude du mobilier recueilli qui permettent d’avancer comme datation le milieu du XIIe siècle.

Son possesseur, mentionné dans la charte, est Hugues de Dabo, comte de Metz, de la puissante famille des Eguisheim-Dabo. Il se voit confier la charge d’avoué de l’abbaye de Neuwiller, au début du règne de Frédéric Ier, dit « Barberousse », sans doute à partir de 1154. Il est probable que Warthenberg ait été érigé à cette époque pour assurer le contrôle de l’abbaye et de ses possessions et compléter le réseau de fortifications des Eguisheim-Dabo qui s’étendait du sud au nord du massif vosgien.

Les fouilles archéologiques ont révélées une durée d’occupation du site relativement brève et ont permis de placer la destruction du château encore avant la fin du XIIe siècle.

Une tentative de reconstruction du château engagée en 1260 par les Lichtenberg a avorté l’année suivante sous la pression de l’évêque de Metz.

Un texte d’archive nous apprend que les ruines ont servis en 1515 de carrière de pierres pour la construction d’un pont sur la Zinsel à l’entrée de Dossenheim (Etudes Médiévales, IV).

À voir

Le rocher du Daubenschlagfelsen est un éperon rocheux qui culmine à 402 m d’altitude au-dessus du débouché de la vallée de la Zinsel vers la plaine d’Alsace. Il domine directement le village d’Ernolsheim-lès-Saverne situé à 8 km au nord de Saverne. Le rocher se présente sous la forme d’un triangle très allongé de 190 m de longueur pour une largeur maximale de 50 m au sud. Le château est constitué d’un fossé inachevé de 12,00 m de largeur pour une profondeur maximale de 4,50 m dans sa partie est. Sur le flanc ouest se trouvent les vestiges du dispositif d’entrée. Dominant le fossé, un mur bouclier (sans doute le plus ancien d’Alsace) d’une épaisseur de 3,80 m contre lequel s’appuie le donjon de plan carré (de 11 m de côté et de 3,00 m d’épaisseur, conservé sur une hauteur de 2,20 m) complète la défense face au côté de l’attaque. À l’est du donjon sont conservées les fondations d’un bâtiment d’habitation. À 50 m vers le nord, un puissant mur transversal de 2,80 m d’épaisseur barre toute la largeur du site. Contre ce dernier, du côté nord, s’appuie le palas qui a livré de nombreux éléments d’architecture de qualité. Du côté est, le long de l’à-pic rocheux sont conservés les faibles vestiges de la chapelle castrale. Deux citernes à filtration, la première près du donjon, la seconde à proximité du palas assuraient l’approvisionnement en eau.