L’Alsace est l’une des régions d’Europe qui compte le plus de châteaux forts médiévaux. Aujourd’hui en ruine dans leur grande majorité, ils font partie du paysage depuis des générations pour le plus grand plaisir des promeneurs qui peuvent en croiser tout au long de leur escapade en Alsace. Mais l’un des plus emblématiques est le château du Haut-Kœnigsbourg !
Voici près de 900 ans que sa silhouette caractéristique marque le paysage alsacien. Dressé à 757 m. d’altitude au cœur du massif vosgien, il est une étape incontournable pour comprendre l’histoire de la région et par là même, celle de la France et de l’Europe. La première impression est un choc : visible de très loin, le château du Haut-Kœnigsbourg est imposant et superbe dans son habit de grès rose. Il domine majestueusement la plaine d’Alsace et la route des vins qui serpente à ses pieds. Par temps clair, le regard porte bien au-delà de la Forêt-Noire, jusqu’aux Alpes suisses.
Et lorsque le visiteur franchit la haute porte d’entrée, il est plongé dans l’univers du Moyen Âge. Tout y est, tours et bastions, chemins de ronde, herse et mâchicoulis, en parfait état. Et avec un peu de chance, on croisera peut-être un personnage en costume d’époque entraînant dans son sillage une cohorte de gamins fascinés. L’illusion est complète, le charme opère.
Le château a connu toutes les vicissitudes de l’histoire tumultueuse de cette région. Il a appartenu successivement aux trois grandes dynasties impériales germaniques, les Hohenstaufen, les Habsbourg et les Hohenzollern, mais aussi parfois à des individus de sac et de corde. Réduit à l’état de ruine pendant plus de deux siècles, il a finalement été entièrement restauré par la volonté personnelle d’un empereur d’Allemagne pour être aujourd’hui, l’un des plus beaux témoignages d’une forteresse de montagne de la fin du XVe siècle.
L’histoire du château et de ses transformations
Les Hohenstaufen, fondateurs du château
La plus ancienne mention connue du château du Haut-Kœnigsbourg date de 1147, les Hohenstaufen en sont alors les premiers propriétaires. A cette époque, ces derniers tentent de faire de l’Alsace la base de leur puissance, pour s’assurer le contrôle du Saint Empire Romain Germanique. L’implantation géographique stratégique du château permet aux Hohenstaufen de dominer d’importantes voies commerciales : les routes du sel et de l’argent (est-ouest) et celle des céréales et du vin (nord-sud). Du château de l’époque des Hohenstaufen, il subsiste encore aujourd’hui de nombreuses parties romanes visibles dans le donjon, le haut-jardin et le logis.
L’époque des Habsbourg
Après les Hohenstaufen, les ducs de Lorraine et l’Evêché de Strasbourg, une seconde dynastie impériale intègre le château du Haut-Kœnigsbourg à ses possessions : les Habsbourg. Le château conserve alors toute son importance stratégique et marque la borne occidentale du Saint Empire Romain Germanique, exposé aux appétits des ducs de Lorraine et des rois de France.
En 1462, le château est investi par des chevaliers-brigands. Plusieurs villes de la plaine décident de s’unir pour mener contre eux une expédition punitive. Le château est pris et détruit.
En 1479, les Habsbourg cèdent en fief le château du Haut-Kœnigsbourg à la famille Tierstein, originaire de l’actuel Jura suisse, qui en adapte le système de défense à l’artillerie à feu. C’est l’apogée du développement architectural de la forteresse, sans doute alors la plus moderne du massif vosgien. Au début du XVIe siècle, les Tierstein rencontrent des difficultés financières les obligeant à s’en séparer. Jusqu’en 1633, les Habsbourg y placent plusieurs familles nobles. Ces dernières n’entretiennent cependant que très peu le château.
Les années sombres : l’Alsace au cœur de la guerre de Trente Ans
L’Alsace est l’un des enjeux majeurs de la guerre de Trente Ans (1618-1648). En 1633, une garnison suédoise assiège le château pendant 52 jours. La forteresse résiste aux assauts de l’artillerie ennemie mais sa population affamée, est contrainte de capituler. Peu de temps après, un incendie détruit le château et marque le début d’une longue période d’abandon du château du Haut- Kœnigsbourg.
A partir de 1648, après la signature des traités de Westphalie, l’Alsace devient progressivement française. Les ruines du château du Haut-Kœnigsbourg, pourtant remarquables (70% du château est encore en élévation) sont livrées à elles-mêmes pendant près de deux siècles. La nature reprend ses droits, la végétation envahit le monument et son site.
La période romantique du château du Haut-Kœnigsbourg
Ce n’est qu’au XIXe siècle, à la faveur du mouvement romantique, que l’intérêt pour les ruines du château du Haut-Kœnigsbourg renaît. Le Moyen Âge et ses vestiges fascinent les intellectuels et les artistes. Poètes, peintres, photographes mais aussi historiens et architectes s’approprient les vieilles pierres chargées d’histoire. Les vestiges du château du Haut-Kœnigsbourg constituent pour eux une grande source d’inspiration par leur ampleur et leur beauté.
Les ruines du château sont classées monument historique en 1862, puis acquises trois ans plus tard par la ville toute proche de Sélestat. Très vite, des projets de restauration sont imaginés, mais par manque de moyens financiers, ils restent sans suite.
Le don fait à l’empereur Guillaume II
En 1871, l’Alsace est intégrée dans l’empire allemand. Pour Guillaume II de Hohenzollern, empereur à partir de 1888, le château du Haut-Kœnigsbourg symbolise la borne occidentale du Saint Empire Romain Germanique dont il se réclame l’héritier. En 1899, le château lui est offert par la ville de Sélestat. Il décide de faire restaurer le monument pour en faire un musée à la gloire de la chevalerie germanique du Moyen Âge et de la Renaissance.
Mais le château du Haut-Kœnigsbourg est également marqué par ses ambitions politiques. Guillaume II désire, par cette grande opération de restauration, séduire les Alsaciens et s’inscrire dans la lignée des Hohenstaufen et des Habsbourg, illustres empereurs l’ayant précédé en Alsace. Parmi les symboles politiques apparaissant dans le monument, on trouve des signes lapidaires utilisés par Bodo Ebhardt. Pour chaque année de chantier, une marque spécifique est gravée sur les blocs de pierre. L’un des huit signes utilisés par l’architecte, celui de 1903, représente un aigle formé des 3 « H » des grandes familles impériales propriétaires du château (Hohenstaufen, Habsbourg, Hohenzollern).
La dimension politique de la restauration prend toute son ampleur dans la salle dite « du Kaiser » ou « salle des fêtes ». Les fresques héraldiques de Léo Schnug rappellent avec force la germanité de l’Alsace. L’aigle impérial, couronné par la devise prussienne « Gott mit uns » (Dieu avec nous), occupe toute la largeur de la voûte.
En 1995, une tempête détrône l’aigle de cuivre installé en 1906 au sommet du donjon. Un parchemin rédigé par l’Empereur lui-même y est découvert. Il y exprime la toute puissance impériale et la grandeur allemande.
L’esprit de la restauration
Pour mener cette vaste restauration, Guillaume II nomme un jeune architecte, Bodo Ebhardt.
Passionné par le Moyen Âge et les châteaux forts, Bodo Ebhardt choisit de restituer le château tel qu’il existait à l’époque des Tierstein, autour de l’an 1500. Les murs conservés jusqu’à la hauteur des mâchicoulis et les voûtes, encore partiellement préservées, lui fournissent une base de travail solide. Dès 1900, la restauration est entreprise avec les moyens les plus modernes de l’époque. Les opérations débutent par une campagne photographique. La ruine est déblayée, un dépôt de fouilles est constitué, donjon, logis, enceintes et ouvrages militaires sont relevés.
Dans son mémoire sur la restauration du château du Haut-Kœnigsbourg publié en 1900 à Berlin, Bodo Ebhardt énonce quatre principes qui vont le guider dans son vaste chantier. C’est tout d’abord une « lecture » attentive des murs et des éléments d’architecture encore en place, ainsi qu’une collecte systématique des débris archéologiques avec repérages des lieux de découvertes. Il s’appuie également sur des documents retrouvés dans différentes archives européennes. Enfin, lorsque les éléments manquent, Bodo Ebhardt établit des comparaisons avec des châteaux de la même époque que celle du Haut-Kœnigsbourg et de la même importance.
Au château du Haut-Kœnigsbourg, l’architecture a été restituée à partir d’une lecture attentive des traces laissées par le temps. Les éléments de la vie quotidienne du Moyen Âge y ont été maintenus, restaurés ou recréés : latrines, éviers, puits, cheminées, poêles, citernes. Le matériel archéologique retrouvé durant les travaux a inspiré la restitution de décors. Une partie de la décoration du château est confiée à Léo Schnug chargé de la réalisation de peintures murales. Une association, le « Hohkönigsburgverein », s’occupe de rassembler des meubles et objets des XVe, XVIe et XVIIe siècles qui doivent donner vie au monument.
Peut-on à partir de là, estimer que la restauration menée par Bodo Ebhardt est fidèle à l’esprit du château médiéval ? Oui. On constate pourtant quelques libertés de l’architecte. Pour l’aménagement d’une salle des fêtes et de prestige, Bodo Ebhardt n’a pas replacé délibérément un niveau d’occupation antérieur, dont il subsiste la trace. Afin de donner davantage d’élan au monument restauré, le volume des toitures a été exagéré. Pour des raisons politiques, on a accordé beaucoup d’importance à ces inexactitudes. Mais la polémique la plus forte concerne la restauration du donjon : peu avant l’inauguration du château par Guillaume II, plusieurs publications affirment que le donjon restauré en forme carrée, était à l’origine de forme ronde. La presse, à l’instar de l’illustrateur Hansi, se fait le relais de la polémique, discréditant Bodo Ebhardt et par la même occasion, l’empereur Guillaume II. Le château du Haut-Kœnigsbourg est ainsi victime d’une campagne visant à ridiculiser sa restauration. La base subsistante du donjon ne laissait pourtant place à aucun doute quant à sa forme historiquement carrée !
On peut aujourd’hui dire que la restauration de la forteresse par Bodo Ebhardt est cohérente dans son ensemble. Le monument restauré donne une bonne vision de ce à quoi ressemblait un château fort de montagne de la fin du Moyen Âge dans l’espace rhénan.
De la propriété impériale allemande au domaine national français
Le château ainsi restauré est inauguré le 13 mai 1908. En présence de Guillaume II, un cortège historique entre solennellement dans le château sous une pluie battante. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, la restauration se poursuit par la réalisation des décors peints et l’achat de collections. Par le traité de Versailles de 1919, le château du Haut-Kœnigsbourg entre dans le domaine national français. Il devient un haut lieu touristique, mais il reste encore de bon ton de se gausser d’une restauration jugée à tort fantaisiste par de nombreux détracteurs. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que l’œuvre de Bodo Ebhardt est réhabilitée. L’ouvrage reconsidéré est classé monument historique dans son intégralité en 1993.
Depuis le 1er janvier 2007, le château est une propriété du Conseil Général du Bas-Rhin.
Retrouvez toutes les informations pratiques et l’actualité du château du Haut-Kœnigsbourg sur www.haut-koenigsbourg.fr
Château du Haut-Kœnigsbourg
F-67600 Orschwiller
tél. : +33 (0)3 69 33 25 00
fax : +33 (0)3 69 33 25 01
haut-koenigsbourg@cg67.fr
La numérotation des étapes ,ci-dessous, correspond à celles des plans et de l’audioguidage
Après avoir franchi la porte d’entrée <b.10.< b= » »> aux armes des Tierstein, on remarque sur la droite, un mur d’enceinte de faible épaisseur (XVe-XXe siècle) et à gauche le logis sud sur son éperon rocheux (XIIe-XXe siècle).
Après la herse .20., on pénètre dans la cour-basse .30. avec, à droite, les écuries et l’ensemble des bâtiments assurant l’autonomie du château. Au milieu, la copie d’une fontaine du XVe siècle conservée à Eguisheim.
L’unique accès au logis se fait par la tour, puis par un escalier .40. protégé par des meurtrières.
Ce plan imposait aux assaillants d’avancer sous les meurtrières de la rampe. La porte et le pont-levis au-dessus du fossé sont les derniers obstacles avant le logis.
La cour
Le puits .50. profond de 62 mètres a été fortifié afin de ne pas se trouver séparé du logis par une attaque d’artillerie.
La galerie donne accès au cellier .60. dont la longueur indique la largeur de l’éperon rocheux sur lequel le château est construit.
Dans la cour intérieure .80., les galeries en bois côté sud ont été reconstituées sur la base de consoles en pierre existantes. Les cuisines .82., dans le logis nord, avec un évier et deux cheminées étaient encore conservées avant la restauration.
L’escalier polygonal donne accès au donjon et aux escaliers à vis nord et sud qui desservent les pièces.
Second étage
Au second étage du logis nord .90., les lambris assurent une meilleure isolation.
Des coussièges* sont prévus près des fenêtres pour profiter de la lumière.
Le poêle est formé de deux plaques en fonte récupérées dans les fouilles.
Dans le logis ouest .100., au plafond de la salle du Kaiser une aigle** impériale et des blasons marquent le caractère politique de cette pièce. Les fresques sont de Léo Schnug. Le fond de cette salle, dite aussi salle des Fêtes, possède une tribune qui indique la hauteur initiale des pièces.
Le mobilier de la chambre lorraine .110. vient de cette province et a été offert par les Lorrains à l’empereur.
Par l’escalier à vis du logis sud.130. on accède à la tribune de la chapelle.
A côté, les appartements les plus confortables du château, orientés au sud, sont pourvus de latrines.
Ces pièces sont accessibles en enfilade ou une par une par la galerie extérieure.
Le poêle en céramique jaune est constitué de carreaux copiant les carreaux de poêle trouvés lors de fouilles.
Premier étage
Par un escalier à vis on rejoint l’étage inférieur où l’on retrouve les mêmes pièces qu’à l’étage supérieur.
On arrive ensuite à la chapelle .120. avec sa tribune et une ouverture sur le côté permettant d’accueillir plus de fidèles.
Après la chapelle, on arrive dans la salle des trophées de chasse .150..
Dans la salle d’armes .160. sont présentées les différentes hallebardes, épées, arbalètes et armures, et la copie d’un imposant poêle en céramique vernissée verte avec siège chauffant incorporé.
Un pont-levis enjambe le fossé séparant le logis ouest du jardin .180..
Les ouvertures de fenêtres et de portes témoignent des constructions antérieures au jardin du XVIe siècle.
Le grand bastion
La crête permettait aux assaillants d’approcher leurs canons par l’ouest. Pour parer à cette faiblesse, le grand bastion .190. fut construit pour servir de bouclier et assurer la défense du logis.
Après l’escalier, un pont-levis donne accès à la plateforme d’artillerie.
Dans la monumentale tour sud, les ouvertures offrent une merveilleuse vue vers les Vosges et la plaine.
De la tour nord du grand bastion, on découvre deux châteaux : l’Ortenberg et le Frankenbourg, sur les sommets voisins. On aperçoit aussi les vallées où passaient les convois marchands. On comprend ainsi parfaitement le rôle stratégique du château. La plateforme est équipée de copies de canons montrant l’évolution de l’artillerie du XVe au XVIIe siècle.
En redescendant, on traverse les casemates*** puis on débouche dans les lices nord .210. par un escalier moderne. Elles sont bordées, à gauche par le mur d’enceinte et son chemin de ronde couvert, à droite par le rocher supportant les murs du jardin intérieur.
De là, on peut apercevoir trois latrines et l’écoulement de la cuisine.
Un contrefort a été édifié pour contrebuter le logis et le donjon qui avaient tendance à se fissurer. De là, on peut admirer le donjon, carré dès l’origine, démoli au XVIe siècle sur la hauteur de deux piques (10 à 12 mètres environ) et restauré par l’architecte au début du XXe siècle.
De retour dans la cour basse, la forge sur votre droite a été aménagée en 1905 pour les besoins de la restauration.
* Coussiège – Banquette intégrée dans l’embrasure d’une fenêtre.
** Une aigle – En héraldique, figure représentant un aigle.
*** Casemate – Local fermé généralement voûté servant à abriter un ou plusieurs canons